Le jeu qui se joue actuellement en Suède, quant à la reprise de la filiale suédoise de l'allemand ThyssenKrupp, spécialisée dans la construction de sous-marins, démontre que le patriotisme économique n'a pas de frontières.
Après des semaines de négociations et le débauchage de la majorité de ses cadres par le géant de l'armement Saab, la filiale suédoise de ThyssenKrupp dédiée à la construction de sous-marins, ThyssenKrupp Marine System, qui dispose de sites de construction dans le sud de la Suède, à Kalrskrona, Malmö et Muskö, n'est plus que l'ombre d'elle même.
Vampirisée puis mise de côté au fil des ans par son propriétaire allemand...
L'histoire de cette filiale, est symptomatique du comportement de grandes multinationales acquérant des sociétés locales, technologiquement à la pointe, mais souffrant d'une taille critique insuffisante.
Dans le cas de ThyssenKrupp Marine System, le malentendu est né au moment même de l'acquisition du chantier suédois Kockums, qui s'était fait un nom dans la construction de sous-marins très réputés pour leur furtivité, dans le contexte tendu de la guerre froide et de sa déclinaison en Mer Baltique notamment...
En adossant leur champon national à un groupe de l'envergure de ThyssenKrupp, les Suédois pensaient - naïvement - que l'entreprise deviendrait un champion mondial et se développerait fortement à l'export.
C'était sans bien connaître le patriotisme allemand, ThyssenKrupp ayant surtout beaucoup appris de Kockums pour améliorer ses propres sous-marins... construits en Allemagne !!
Au fil des ans, l'ex-chantier Kockums s'est donc replié sur l'entretien de la flotte existente, jusqu'à ce que le redémarrage du projet A26 (62m, 1800 tonnes), consistant dans le remplacement d'une partie de la flotte suédoise, soit 2 modèles, ne refasse surface !
L'échec des négociations entre l'office suédois de l'arment (FMV) et ThyssenKrupp, pour des raisons de coût, les allemands refusant que le programme soit amorti entre plusieurs pays, a fait prendre conscience aux autorités suédoises qu'il fallait changer de méthode, en ouvrant le jeu à la concurrence, tout en relocalisant les centres de décision du "bon" côté de la Baltique
Particulièrement concerné par le dossier, le groupe d'armement Saab, déjà actif dans le maritime avec ses programmes de détection et de défense électronique, a donc décidé de franchir le pas, et de se lancer dans cette activité, à partir du cahier des charges développé par le FMV, et avec une méthode pour le moins efficace : débaucher les cadres de ThyssenKrupp Marine Service pour gagner du temps !
En quelques semaines, près de 200 ingénieurs ont donc rejoint Saab, heureux de ne plus servir de faire-valoir aux Allemands, tandis que Saab se rapprochait en avril dernier de ThyssenKrupp, pour lui racheter sa filiale suédoise... en perdition !
Selon notre confrère Bleckinge Läns Tidning, un accord serait proche entre les deux sociétés, et le montant de la transaction s'élèverait à une centaine de millions d'euros.
Si tel est le cas, ce retour en Suède du contrôle du chantier Kockums matérialise un fait certain : les activités stratégiques d'un pays peuvent difficilement être cédées à des intérêts supra-nationaux, si ces derniers ne sont pas contrôlés comme pour Airbus, de façon équilibrée.
Dont acte.
Au sujet du projet A26
Remontant aux années 1990, le sous-marin A26 du chantier Kockums, était initialement conçu pour remplacer les sous-marins de la marine royale de classe Södermanland, à compter des années 2015-2017.
Mesurant 62m de long pour 1800 tonnes, et conduit par un équipage de 17 à 31 marins, dépourvu de missiles, les A26 se présentent comme des sous-marins voulus très silencieux (diesel Sterling AIP), présentant une très grande résitance aux attaques, et capables de mettre à l'eau et de récupérer toutes sortes de drones sous-marins et de commandos.
Ils concurrencent sur le marché des sous-marins conventionnels, des modèles comme le Scorpène de DCNS et le U212A/214 de ThyssenKrupp.